Aujourd’hui, en ce jour de Printemps, Dorian en était arrivé à se demander si son travail était vraiment efficace au sein de cette école. Ses patients étaient tous plus bizarre les uns que les autres. Evidemment, il avait l’habitude de rencontrer des gens originaux, mais là, en plus d’être ce genre de personnes, ses patients avaient pour la plupart « des pouvoirs ». Jamais il n’aurait cru que son arrivée dans l’école Lisienne aurait pu le perturber autant. Même s’il avait lui aussi un don, il ne pensait pas qu’il y avait autant de personnes à examiner ici. La plupart d’entre eux avaient un souci, ou plusieurs d’ailleurs..., mais très peu voulaient bien en parler.

Pour être clair, Dorian avait beaucoup de boulot mais personne ne lui laissait faire son travail correctement. Les seules personnes qui dédaignent à lui parler n’avaient pas grand-chose à dire : la majeure partie avait des soucis en rapport à leur race et ce que cela engendrait. Les autres refusaient tout simplement de dire en quoi consistait leur problème. Même si le jeune psychologue pouvait analyser le comportement de ses nombreux patients, certains ne laissaient rien transparaître… Dans ce cas, il ne pouvait pas faire grand-chose, à part s’ennuyer et poser des questions qui ne trouveront pas de répondre. En attendant, en ce moment il était seul dans son bureau.

Son prochain patient devait arriver bientôt. Dorian attendait alors patiemment un signe de son arrivée. De ce qu’on lui avait raconté, le jeune homme qu’il devait psychanalyser ne parlait pas. Wilster Dinckel, le professeur qui lui avait confié n’avait rien rajouté de plus. Mais ce qu’il ne savait pas s’était que le jeune psychologue connaissait bien Arthur et donc, il avait entendu parler de lui. En fait, Dorian et l’infirmier était des amis depuis de nombreuses années. Ils s’étaient rencontrés à l’école de médecine de Paris lorsque tout deux avaient fait leur étude. Le psy connaissait presque tout de la vie de son ami…

A vrai dire, Arthur et lui auraient très bien pu sortir ensemble. C’était d’ailleurs ce que pensaient tous les élèves -ou presque- de l’université. Les deux hommes étaient tout le temps fourrés ensemble… Mais Dorian ne se voyait pas sortir avec son meilleur ami, frivole à ses heures perdues. Et, quant à Arthur, il était bien trop encré dans le souvenir de Damien. En bref, leur relation était impossible. De toute façon, Wilster était entré dans la vie de son ami et il en était très heureux, presque soulagé. Un coup très léger sur la porte de son bureau le faisait sortir rapidement de ses pensées : son rendez-vous était arrivé !

Le jeune psychologue se levait agilement de son siège pour aller ouvrir à son jeune patient le sourire aux lèvres. Un jeune garçon blond aux yeux bleus attendaient, lui aussi, le sourire aux lèvres. Il semblait agréable même s’il ne parlait pas. Le professeur avait peut-être un peu exagéré sur ce coup-là… Dorian lui faisait signe d’entrer en gardant son sourire chaleureux. Après tout s’était son métier d’être gentil avec les autres et surtout de les écouter. Il allait avoir un gros souci avec ce jeune homme qui n’avait pas la capacité -ou l’envie- de parler. Discrètement, il vérifiait l’heure à sa montre : il était en retard de quinze minutes… Pas très assidu tout ça !

« Je t’en pris entre ! Tu dois être Nigel. Je me présente : Dorian Sweetlove. Je suis enchanté de te rencontrer. »

Il retournait s’asseoir à son bureau puis repris la parole presque aussitôt :

« Commençons si tu le veux bien. Alors, selon ton professeur de français tu troubles le cours… Tu sais pourquoi il dit ça ? »

Le jeune psychologue observait attentivement le blondinet. Chaque geste qu’il avait « le malheur » de faire était analysé pour vérifier, entre autres, qu’il ne mentait pas. C’était assez compliqué pour lui était donné qu’il n’avait pas suivi de cours pour vraiment comprendre les patients qui ne lui parlaient pas. Il avait pensé que cette spécialisation ne lui serait pas utile… Il s’était trompé. Aujourd’hui, il était bien embêté pour comprendre Nigel. Le garçon était charmant mais rien qu’en le regardant, on comprenait rapidement qu’il n’aimait pas être ici. En fait, c’était rare qu’un de ses patients soient heureux d’être ici, devant lui. Il pouvait le comprendre, ce n’était jamais facile de parler de ses problèmes à quelqu’un que l’on ne connait pas.

C’est alors que Nigel lui tendait son carnet. Le psy se penchait alors pour lire sa réponse. Il y avait déjà plusieurs autres réponses écrites au préalable. Dorian lisait rapidement la dernière phrase avant de rendre reposé le carnet sur le bureau. Alors s’il comprenait bien, l’élève s’ennuyait après avoir répondu à toutes les questions que le professeur leur avait posées. Il souriait se remémorant ses propres souvenirs d’école même si pour lui c’était différent. Il n’avait jamais à proprement dit était dans une école puisqu’il apprenait dans son salon avec des enseignants particuliers. Lorsqu’il n’aimait pas un cours, il le faisait bien comprendre à son précepteur. Dorian réfléchissait alors rapidement à une autre question pour apprendre un peu plus de choses sur le jeune homme.

« Je vois, intéressant. Peut-être que M. Dinckel a été trop excessif tu ne crois pas ? »

Il attendait quelques secondes puis reprit :

« Il arrive que parfois les professeurs se fâchent et nous punisse sans avoir de raison. »

Selon son vieil ami, Wilster était du genre à s’emporter facilement. Il devait être sur les nerfs pour une raison ou une autre. Peut-être qu’un jour il aurait la joie de le rencontrer enfin. Arthur lui parlait tellement de lui dans ses lettres qu’il avait l’impression de le connaître par cœur. Il avait 350 ans c'est-à-dire qu’il avait vécu prêt de 330 ans de plus que lui. Cet homme devait avoir beaucoup de choses intéressantes à raconter. A moins qu’il préfère garder sa vie secrète… Cela aurait été dommage qu’une telle expérience de vie ne soit pas enseignée. Au pire, il harcèlerait Arthur pour qu’il lui raconte ce qu’il savait sur son petit ami. Bref, tout ça pour dire que Wilster fascinait le jeune homme.

Dorian jetait alors un regard sur l’horloge qu’il avait placé au-dessus de sa porte. Le blondinet n’était avec lui que depuis environ une dizaine de minutes. Le temps allait être long s’il ne mettait pas du sien pour écrire ses ressentis, à défaut de parler. Alors, le brun eut une idée. Pourquoi ne pas parler de ses camarades et de ses potentiels amis ? Il se pouvait même que le jeune Nigel n’ait pas d’amis au sein de l’école. Ce ne devait pas être facile d’être ami avec quelqu’un qui ne parle pas et qui est obligé d’écrire en permanence pour vous répondre. Enfin, il ne pouvait qu’imaginer évidemment.

« Et en ce qui concerne tes camarades de classe, tu t’entends bien avec eux ? Tu as réussi à te faire des amis ? »

Nigel était vraiment quelqu’un de charmant. Malheureusement il n’avait pas de véritable souci et ça, Dorian le sentait bien. Il comprenait alors qu’il ne le reverrait peut-être jamais. C’était rare que des patients reviennent le voir s’il n’avait plus rien à dire. *Dommage* se disait-il. Cela lui arrivait de regretter certain de ses patients. Il sentait que celui là il allait le regretter et pas qu’un peu. Son sourire, ses jolis cheveux blonds, ses beaux yeux bleus… Non il ne pourrait pas être ami, ce n’était pas convenable de devenir ami avec quelqu’un qui pouvez vous connaissez en quelques minutes alors que vous, vous ne savez rien de lui.

C’était une des difficultés de son métier. Il s’attachait souvent à ses patients sans pour autant être ami avec eux. Les gens se servaient de lui pour aller mieux et lui il ne se confiait à personne. Qui accepterait d’être ami avec son psychologue ? Pas grand monde. Du coup Dorian se retrouvait souvent seul sans la possibilité de parler de lui. Son meilleur ami n’était plus disponible aussi souvent qu’avant à cause de Wilster. Même s’il était heureux pour lui, il était jaloux de cet homme qui avait dérobé le cœur de l’homme qui l’aime. C’est si dur quand les sentiments ne sont pas partagés.

Etant donné qu’Arthur et son petit ami sont immortels, il comprenait qu’il ne le récupérerait jamais… A cette pensée, le brun se mordait violemment l’intérieur de la joue pour ravaler ses larmes qui montaient doucement. Par pitié ne pleure pas devant un patient se serait vraiment trop honteux. N’écoute pas cette petite voix qui te dit que tu seras seul tout au long de ta vie. Non ne l’écoute pas. Surtout que ce n’est qu’Amélie qui se venge en te faisant souffrir avec ses paroles. Il souffrait à cause d’elle, de tous ses hommes qui n’avaient pas voulus de lui, de toutes ces personnes qui n’avaient pas cru en lui (dont sa famille en particulier).

Dorian regardait le carnet que le jeune homme lui tendait. Il était gentil avec eux parce qu’ils n’étaient pas méchant envers lui. Ce n’était pas vraiment ce que l’on pouvait appeler des amis. Des connaissances peut-être ? Non des camarades étaient le mot le plus approprié. En tout cas, Nigel n’était pas le bouc émissaire. Tant mieux. Le psychologue lui souriait tristement. Il avait tellement envie de parler de lui aussi… mais ce n’était pas possible. Son passé, sa vie ne regardait personne. Il n’avait pas eu d’amis, de camarades de classe durant son enfance. Personne à qui parler jusqu’à ses 18 ans.

Il ne voyait que les membres de sa famille qui ne le comprenaient pas. Sa nouvelle vie avait commencée à son entrée à l’université où il avait fait la rencontre de cet homme malheureux qui était devenu son seul ami. Aujourd’hui il se retrouvait une nouvelle fois seul. Les morts étaient sa seule compagnie. Une question brulée alors les lèvres de son jeune patient. Il n’osait pas la poser tellement elle pouvait paraitre déplacer. Vous l’aurez peut-être compris, Dorian voulait lui demander s’il accepterait de revenir le voir mais cette fois pour apprendre à se connaitre. Il avait les yeux brillants de larmes et également d’espoir. Lui tendant son stylo il reprit la parole :

« Nigel je voulais te demander quelque chose. Ca n’a rien à voir avec le sujet de ta venue mais j’aimerai que tu reviennes me voir. On pourrait peut-être apprendre à se connaître, quand dis-tu ? »

Sans annoncer sa venue, Amélie apparut derrière le blond. Dorian reculait rapidement dans son siège. Il la dévisageait quelques secondes avant de baisser les yeux. Que lui voulait-elle encore ? Elle déposait sa main sur la jambe du blondinet en souriant. Si elle osait lui faire du mal le brun n’aurait d’autre solution que de la renvoyer d’où elle vient en utilisant son pouvoir. *Pitié Amélie ne lui fait rien !* suppliait-il intérieurement.